Le Forom des Langues du Monde est né à Toulouse, en 1992, de la volonté du Carrefour Culturel Arnaud-Bernard.
Il est, au Monde, la première Fête des Langues à poser en pratique comme en théorie l’égalité culturelle de fait de toutes les langues du Monde : plus de dialectes, plus de patois, plus de « petites » langues opposées à de « grandes », plus de non-sens linguistiques dictés par le politique. Ruinant ainsi les fondements idéologiques de tous les nationalismes, ethnocentrismes, ou racismes ; et contribuant par là même à construire cette philosophie radicale de la pluralité culturelle qui est, comme l’écrit Félix Castan, « le seul message pouvant être accepté et repris par toutes les cultures du monde ».
Il revient à la littérature occitane d’avoir forgé ce message, dans la clandestinité.
À la France maintenant d’en hisser la bannière, et d’en faire une politique, à l’intérieur comme à l’extérieur de ses frontières : elle ne pourra jamais en trouver de plus grande, de plus généreuse.
Claude Sicre
Forom des Langues du Monde : l’édition 2024 le 26 mai 2024 place Saint Sernin
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Introduction à la conversation par C. Sicre, Président du Carrefour Culturel A.B., Concepteur du Forom
Trois décennies (+ deux ans) de Forom des Langues du Monde à Toulouse : sous ses airs bon enfant de fête populaire – les stands, les animations musicales, les ateliers de calligraphies etc… , notre invention a marqué intellectuellement Toulouse, notre région, la France et quelques parties du vaste monde, il suffit de lire la liste des villes (50) qui ont repris le concept avec nos principes de fonctionnement, et la liste de celles qui n’ont repris que l’idée de base pour trouver leur propre formule. Nos principes, fête en plein air ouverte à tous, gratuité des stands pour les exposants, stands tenus par des locuteurs des langues présentées et non par des intermédiaires, forom des langues avec des cultures et non fête des cultures non rattachées à des langues (qui, sans limites, finissent toutes en foires commerciales de made in exo-land), interdiction de tout prosélytisme politique ou religieux, et enfin égalité des stands. C’est ce dernier principe qui, en profondeur, a le plus fait pour le succès du Forom, ici et ailleurs : c’était la première fois qu’appliquant matériellement et mettant en scène le constat scientifique que TOUTES LES LANGUES SONT ANTHROPOLOGIQUEMENT ÉGALES – elles peuvent toutes dire tout ce que ceux qui les parlent ont à dire – et qu’ il n’y a pas de caractères des langues – IL N’Y A PAS EN SOI DE LANGUES PLUS BELLES, PLUS CLAIRES OU PLUS CECI CELA QUE LES AUTRES sauf pour leurs amoureux dans leur lyrisme et ça ne doit pas sortir de là (revers à la doctrine française, multiséculaire et qui dure encore même dans les plus hautes sphères), on exposait toutes les langues à égalité (mêmes stands, mêmes moyens de valorisation et de diffusion). Évènement discret, invisible à beaucoup (sauf aux participants). Comme la plupart des vraies innovations et des profondes mutations intellectuelles qui s’imposent peu à peu dans le silence, contre-pouvoir aux bruyants poncifs de l’époque.
Le Forom dit qu’ IL N’Y A PAS DE SOUS-LANGUES, et donc qu’ IL N’ Y A PAS DE SOUS-HOMMES, et, en y cultivant le respect de toutes les langues, de tous les accents, on y apprend le respect initial de tous ceux qui les parlent. Première étape, fondamentale, pour une philosophie générale du respect. Sans elle, que fictions. Puissent les pouvoirs qui nous aident depuis le début (certes modestement – comme nous le demandons, étant économes de l’argent public – mais sûrement) se rendre compte un jour de la portée de notre œuvre et en être plus fiers.
Cette année les conversations aborderont deux sujets. La première, de 14h à 15h30, commencera par un exposé de Liana Khachatryan sur la langue arménienne (un jour viendra où nous aurons présenté exposé TOUTES LES LANGUES du monde, il nous faudra recommencer). La deuxième, de 16h à 18h ou bien plus tard, selon l’état des troupes (je me souviens de certaines, avec Henri Meschonnic, qui durèrent jusqu’après 20h), reprendra un thème que nous avons plusieurs fois traité : la politique de la France concernant les langues de France, mais aussi la langue française, et nos langues anciennes. Normal, car ces langues sont en rapport. Mais il nous faut aussi rappeler que c’est notre intérêt pour la langue et la culture occitanes (et tout ce que cachait leur mépris par les institutions) qui nous a amené à réfléchir à ce qu’était une langue, à ce qu’était le langage, à la diversité des langues dans le monde, nous a fait comprendre que défendre et illustrer la ou les langue(s) / la ou les culture(s) de chez soi passait par la défense et l’illustration de TOUTES les langues. Et c’est ce qui nous a amené à créer le Forom, et à le créer dans les principes que nous avons décrit plus haut. Et, après trente-deux de forom et tout ce que nous avons fait autour, nous sommes à même de montrer que toute politique qui profite aux langues de France et à « nos » langues anciennes (latin, grec) profite immédiatement à la langue et à la culture française, qui a tari ses affluents intérieurs, sa pluralité interne, et donc sa vitalité. Mais, pour notre part, nous irons plus loin : nous montrerons aussi que ce rapport étriqué de l’État aux langues de France s’est perpétué dans son rapport aux langues étrangères (d’où la formule : « les français ont du mal avec les langues », bien vérifiée) (et avec les autres civilisations, peut-on ajouter). Et encore plus loin : en citant Henri Meschonnic qui ici même, au Forom, a montré que ce n’était pas les langues qui faisaient les œuvres, mais les œuvres qui faisaient les langues (c’est le Coran qui a fait l’arabe, la Bible qui a fait l’hébreu..), rejoignant Félix Castan et Bernard Manciet dans leur Manifeste de Nérac, nous poserons qu’ à travers les langues, c’est une liberté et une autonomie culturelle (ailleurs aussi une liberté politique), que, dans un pays qui donna l’égalité civique à tous ces citoyens, l’ État visa à restreindre, rabaissant les populations au rang de « provinciaux » (habitants d’une province – étymomologiquement « pays préalablement vaincu » – voir votre Gaffiot, puis habitants de LA province), les soumettant à un modèle unique de parler, de penser, les détournant d’entreprendre en lien avec les réalités de la contrada où ils vivent, les enfermant dans une idéologie maladive de dépendance pour tous les actes de la vie, d’utopies stériles pour sortir de cette situation et, bien logiquement, d’attentes récurrentes d’un sauveur suprême. Maladie qui mène à tous les gâchis (d’idées, de talents, d’argent). Maladie dont ceux qui veulent penser à notre place et ceux qui nous gouvernent de haut sont aujourd’hui les premières victimes.
Et nous dirons que si l’État a une grande responsabilité dans ce domaine, ce sont les communes, les départements et les régions, en prise plus directe avec ces questions et avec les populations, qui doivent inventer une politique nouvelle des langues et des cultures de France (inventant ainsi une nouvelle et forte politique du français), inventer une vraie politique de la décentralisation culturelle du pays, obligeant l’État à s’y soumettre, devenant les pionniers des nouvelles frontières de l’imagination et de la science, faisant reculer les limites de la démocratie et de la pluralité culturelles qui vont de pair. Enfin nous conclurons que les intellectuels, les artistes et les populations n’ont pas tout à attendre des pouvoirs publics : à eux, en premier, de montrer la voie, les voies, de cette entreprise, par leurs actions et leurs oeuvres et ainsi de convaincre les élus qu’il faut les suivre.
Ayant annoncé la couleur (notre présentation ne sera pas plus longue que ces quelques lignes), nous écouterons nos invités, Abraham Bengio, Jean-François Carenco et Benjamin Assié (voir présentations ci-contre) qui, à des titres divers, sont bien placés pour parler de ces affaires. Et comme il s’agit de politique, et qu’il faudra bien, partis de la politique, y revenir après s’être élevés bien en amont à des considérations sur les tenants historiques de notre situation, notre conversation se tiendra en présence de M. Jean-Luc Moudenc, Maire de Toulouse (sr : sous réserve), de Mme Carole Delga, Présidente du Conseil Régional d’Occitanie (sr), de M Francis Grass, adjoint à la culture de la Ville de Toulouse, de M Jean-Michel Lattes, troisième adjoint au Maire de Toulouse, de M Serge Regourd, président de la Commission Culture du Conseil Régional d’Occitanie, d’un représentant du Conseil Départemental et de divers élus (dont les noms ne sont pas encore connus), de Francis Blot, co-fondateur du Carrefour Culturel, qui ne manqueront pas de nous faire savoir ce qu’ils retiennent de nos propos. Puis ce sera au public de nous le dire.
Déroulement
14h : sous les arbres du coin de la rue du Taur et de la Place, côté St Raymond : Origine et étapes du développement de la langue arménienne avec son alphabet pas comme les autres par Liana Khachatryan.
15h30 : pause, court spectacle (10 minutes) du groupe Aborigénious pour une démonstration de Boscanèla, recréation d’une lutte dansée des Gorges de l’Aveyron
16h, même endroit : conversation sur la politique française concernant les langues de France et le français avec Abraham Bengio, Jean-François Carenco, Benjamin Assié
Jean-François CARENCO
Ancien Préfet (Guadeloupe, Haute-Garonne, Haute-Savoie, Paris, Rhone, St Pierre et Miquelon, Tarn et Garonne…), ancien Ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des Outre-mers, chargé des Outre-mers (2022-2023).
A publié en 1980, L’espérance Occitane avec Yves Barelli et Jean-François Boudy aux Éditions Entente.
Dernier livre : Préfet de la République, Cerf · Édition, 2022.
Liana KHACHATRYAN
Professeur de langue et de littérature arménienne, professeur de FLE
Benjamin ASSIÉ
Conservateur territorial des bibliothèques, ancien directeur du CIRDOC-Institut occitan de Cultura, Conseiller Régional délégué aux langues et cultures occitane et catalane et aux Parcs naturels régionaux
Abraham BENGIO
Président de la commission Culture de la LICRA
Ancien DRAC (1985-2002)
Directeur général adjoint honoraire de la Région Rhône-Alpes
Drac en Midi-Pyrénées (1993-1996), il s’est intéressé de près à la langue et à la culture occitanes, a assisté à la naissance du Forom des Langues de Toulouse, a lu Castan et H. Meschonnic et est un des rarissimes intellectuels français à avoir saisi à la fois la notion d’égalité anthropologique des langues, le rôle des oeuvres dans leur genèse, et la place des langues et des cultures de France dans la vie culturelle française.
Délégué Général par intérim à la Délégation Générale à la Langue Française et aux Langues de France ( DGLFLF, 2003-2004), il a instruit ces affaires, qu’il a continué à suivre en tant que DGA de la Région Rhône-Alpes (2004-2015), où il a aidé à la naissance du Forom des Langues du Monde de Lyon et impulsé une politique régionale en faveur du franco-provençal et de l’occitan.
Est revenu plusieurs fois au Forom des Langues de Toulouse
Il a été membre de la Commission Filippetti dite Comité consultatif pour la promotion des langues régionales et de la pluralité linguistique interne (2013)
Wikipédia : Forom des langues du monde
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